lundi 7 juin 2010

Sabotage du 17 juillet 1941 à Epinay-sur-Seine

On était convenu que Lumeau ferait le guet au virage de la voie, muni d’un mauvais revolver en guise de protection et d’une lampe électrique pour donner l’alerte par trois allumages successifs en cas de nécessité pour "décrocher" en vitesse. Nous restions donc à quatre, et ce n’est pas de trop pour débloquer les tire-fond, un de chaque côté à chaque traverse, en bois dur, comme on ne peut se l’imaginer. Après, il y a les boulons et les écrous des éclisses. Là, il faut des bras musclés pour déboulonner les plaques épaisses qui tiennent de chaque côté le rail bien en ligne en bout à bout. Difficile de dévisser : souvent c’est rouillé, comme si c’était soudé ! On en a attrapé une bonne suée et des ampoules aux mains. Nous n’avions pas le temps de souffler et il fallait éviter de faire du bruit. Facile à dire: du fer et de l’acier qui s’entrechoquent, cela résonne et s’entend encore plus dans le silence de la nuit! Mais, bien sûr, on avait laissé les rails en place. On s’était "planqué" à plat ventre, en bas du talus. Il n’y aurait plus qu’à remonter pour riper chaque rail, avec des barres à mine - tout en respectant les minutes imparties qui défilent dans ces cas-là à toute allure. (...) Nous nous sommes cachés à proximité, là où cela nous paraissait possible, dans notre improvisation soudaine... et à peine avions-nous ainsi raisonné que le convoi arrivait dans un bruit terrible, pire que le tonnerre, un vacarme de tonnes de ferrailles heurtant d’autres tonnes de ferrailles. Puis, une gerbe de feu illuminait le ballast, et tous les environs.

Roger Linet, in 1933-1943 - La traversée de la tourmente, Editions Messidor, 1990.
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Mon grand-oncle, Eugène Lumeau, secrétaire du parti communiste de Saint-Ouen (93), a fait partie de cette équipée qui, le 17 juillet 1941, fit dérailler un convoi allemand à Epinay-sur-Seine...

Il fut arrêté en septembre 1941, emmené au fort du Mont Valérien, torturé pendant des mois pour être finalement exécuté en février 1942... Il avait 31 ans...

Malheureusement, il n'est pas le seul à être mort si jeune, dans la force de l'âge... Mais grâce à lui, et à bon nombre de ses compagnons de l'Armée de l'Ombre, à savoir les forces de la Résistance, nous pouvons vivre dans un monde libre, sans être sous la coupe d'une dictature fasciste...

Une rue porte désormais son nom à Saint-Ouen en Seine-Saint-Denis (93), localité où il était domicilié lorsqu'il fut arrêté par la Gestapo...


2 commentaires:

  1. bonjour Lisa,

    je suis jean-Gilles, le fils de Fernand Baillet > frère de Jean Baillet dont tu nous parles ici.
    Qui est Roger Linet ? qui est Eugène Lumeau.

    Mon grand-père à moi (le père de J.Baillet) s'appelait Eugène (...)

    mon mail : noga.ro@gmx.fr

    au cas où

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  2. Bonjour Jean-Gilles,

    Eugène Lumeau était mon grand-oncle, comme je l'explique dans l'article, et résistant. Roger Linet était aussi résistant et a fait partie, avec mon grand-oncle et quelques autres (dont ton oncle d'après ce que j'ai compris), de l'expédition de sabotage et déraillement du train à Epinay-sur-Seine le 13 juillet 1941.

    Voici une courte biographie de Roger Linet trouvée grâce à Google: http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/biographies/IVRepublique/linet-roger-pierre-gilbert-07031914.asp

    Bien à toi.

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